La forêt primaire comme tissu acousmatique
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Isabelle de MULLENHEIM soundcloud.com/isabelle-de-mullenheim
Au-delà de l’orée est ce moment où on franchit un seuil et où on entre dans un espace intérieur, car il se situe au plus proche de nous. Lorsque qu’on entre en forêt, on est absorbé dans un environnement clos, cerné par des limites tangibles comme la cime des arbres, le sol et les buissons, la délimitation des chemins praticables.
Notre condition d’être humains est soulignée. Beaucoup de choses sont physiquement inatteignables. L’expression « s’enfoncer dans la forêt » souligne une perte de maîtrise, une impuissance due à notre taille et c’est peut-être cette impuissance qui est la condition nécessaire pour acquérir la posture d’écoutant.
Nous nous immergeons dans du flou, de l’indéfini. Beaucoup d’évènements surgissent ou bien sont présents sans direction ou position apparentes. La multiplicité des éléments présents (sonores ou lumineux) nous surprend. L’oreille primitive se met en action et nous révèle cet univers imprévisible.
La forêt primaire est un tissu composé d’une trame, une constante, sur laquelle viennent se greffer des motifs fugitifs à l’image d’une broderie éphémère. Malgré les items disparates, tout bouge ensemble, tout élément est conscient de l’existence de l’autre.
Ma préoccupation se situe au-delà du réalisme des sons, de ce qu’ils décrivent ou de la préoccupation écologique. Il y a un délitement certain de la forêt primaire telle qu’elle a pu exister. Elle est devenue un lieu utopique, mythique. Un lieu que l’on peut rêver.
Je rêve donc un espace constitué de masses différentes, de transparence ou d’opacité, d’impacts, de correspondances et de dialogues. Je m’emploie à restituer la dynamique de ce lieu. La volumiphonie rend compte de la diversité des points de vue et du mouvement de ces masses. On s’imprègne de ces mouvements afin de les ressentir, car il n’y a plus de position fixe de spectateur mais une multiplication des placements. Les sons nous traversent autant qu’ils se tiennent autour de nous.
À mon sens, l’écoute n’est pas une analyse mais fait appel à la perception, à un laisser-faire ou un laisser-aller. La perte de contrôle est, je crois, essentielle à l’appréhension de l’œuvre acousmatique dans toutes ses dimensions. Je conçois donc mes compositions comme des lieux où on s’oublie en tant qu’être humain et dans lequel on devient des êtres vibratoires réagissant à ce qui est proposé, de manière physique.
Par ailleurs, même s’il y a une implication physique de notre corps, en travaillant le sonore, nous avons toujours été dans une réalité virtuelle, ce médium étant impalpable par essence.
La volumiphonie est un moyen de penser et de mettre en œuvre cette virtualité de manière précise et directe.
Penser une composition multicanale, dans ce dispositif, ce n’est plus être uniquement dans la linéarité du temps et la géométrie d’un espace défini mais c’est être prêt à transformer l’espace et le temps à tout moment, à se situer dans une sorte d’éclatement de l’œuvre afin de laisser réagir les sons les uns avec les autres dans un environnement élargi et changeant. Il me semble que ce dispositif engendre des œuvres organiques.
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